Le cancer du sein chez la femme et le travail de nuit

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. On dénombre environ 60 000 nouveaux cas par an. Il est responsable chaque année de 12 000 décès, avec un taux de survie global de 87 % à 5 ans.

Bien qu’on identifie un certain nombre de facteurs extra-professionnels responsables (facteurs de risques liés à l’histoire gynécologique et médicale, facteurs de risque génétiques, facteurs de risques liés au mode de vie), il n’en reste pas moins qu’on estime en France par an qu’au moins 1 000 cancers sont attribuables à une exposition professionnelle. Mais cette estimation est basse et pourrait être revue à la hausse dans les années à venir.

Le CIRC classe le travail de nuit dans le groupe 2A comme cancérogène probable pour le sein, mais également pour le colon et la prostate. Il est hautement probable devant l’accumulation des études qu’il révise par la suite sa position et classe alors le travail de nuit comme un cancérogène avéré pour le sein.

Une telle évolution permettrait alors sans conteste l’introduction du cancer du sein lié au travail de nuit dans un tableau de maladie professionnelle, sachant que pour le moment il existe une possibilité de reconnaissance en maladie professionnelle dans le cadre du système complémentaire avec la soumission du dossier au CRRMP (Comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles) et en apportant la preuve d’un lien direct et essentiel. Mais cette démarche rencontre pour le moment beaucoup de difficultés et de résistances de la part des médecins.



Une ancienne infirmière de l’hôpital de Sarreguemines, âgée de 62 ans, vient d’être reconnue en maladie professionnelle pour un cancer du sein gauche survenu en 2009. Elle a travaillé de nuit pendant 28 ans en discontinu, totalisant 873 nuits.

La victime faisant partie de la fonction publique hospitalière, le processus de reconnaissance en maladie professionnelle est quelque peu différent du privé. Après passage chez un expert et éventuellement devant le Conseil médical formation plénière (ancienne Commission de réforme) qui ne donnent qu’un avis, la décision de prise en charge revient à l’administration.


Les mécanismes en jeu dans la survenue du cancer du sein lié au travail de nuit ne sont pas clairement élucidés, rendant de fait difficile la prévention, mais on incrimine notamment la perturbation de la production de la mélatonine secrétée la nuit, en raison de l’exposition à la lumière, sachant que cette hormone a un effet anti-cancérogène. La période la plus critique se situe entre minuit et 5 heures du matin.

Le travail de nuit concerne 9 % des femmes actives, soit plus d’un million dont la moitié habituellement, principalement dans les secteurs de la santé, de la sécurité et des transports, mais depuis la fin de son interdiction pour les femmes en 2001, il s’est développé dans l’industrie. On considère que le risque est appréciable dès lors que la victime totalise au moins 2 nuits par semaine pendant au moins 10 ans.
Comme autre facteur de risque pour le cancer du sein les rayonnements ionisants sont considérés par le CIRC comme un cancérogène avéré pouvant s’ajouter dans certains cas au travail de nuit avec une multiplication des effets. Cette exposition concerne le personnel soignant (surtout en pédiatrie), les professionnelles de l’imagerie médicale, les travailleuses du nucléaire et le personnel navigant (hôtesses de l’air), les rayons cosmiques étant en cause dans ce dernier cas.

Par ailleurs le CIRC identifie comme cancérogènes probables plusieurs produits chimiques : la dieldrine, un pesticide interdit en France depuis 1994 ; l’oxyde d’éthylène utilisé notamment pour la stérilisation du matériel chirurgical ; les polychlorobiphényles utilisés par le passé comme isolants électriques et comme fluides transportant de la chaleur dans diverses installations industrielles, interdits en France depuis 1987.

Mais la liste pourrait s’allonger dans les temps à venir (autres pesticides, perturbateurs endocriniens, antimitotiques, cosmétiques, désinfectants) pouvant alors expliquer un excès de cancers du sein dans certaines professions : coiffeuses, ouvrières du textile, ouvrières dans la fabrication d’article en plastique et en caoutchouc.

L’exemple le plus célèbre est l’affaire du distilbène, hormone de synthèse dérivé des oestrogènes et prescrit aux femmes enceintes (à l’époque plus de 200 000) pour éviter les fausses couches. Il a été interdit en 1977 car on s’est aperçu qu’il provoquait chez les filles des mères qui en avaient consommé des troubles de la sphère gynécologique : troubles de la fertilité, malformations, cancers du vagin, du col de l’utérus et du sein.

Nous allons traiter chez la femme le problème du cancer du sein et de celui des ovaires et chez l’homme le cancer du sein, le cancer de la prostate et le cancer des testicules.